Télétravail : la France doit faire mieux

Télétravail : la France doit faire mieux

Par Erwan Charpentier

Note de synthèse

Votre travail peut-il s’effectuer à distance ?
En théorie, vous seriez près de 30 % à pourvoir répondre par l’affirmative dans les pays de l’OCDE, et près de 50 % à l’horizon de 2015.
Si les Etats-Unis ou le Danemark font partie des pays en peloton de tête (plus de 20% d’emplois pratiquant le télétravail) suivis par l’Angleterre et l’Allemagne, la France, elle, avec 5 % d’actifs concernés, se place parmi les lanternes rouges.

Pour expliciter ces chiffres, identifier les obstacles et émettre des recommandations afin de promouvoir un outil de la société de la connaissance, le Conseil d’Analyse Stratégique a publié, avec l’aide du Cabinet Roland Berger, un rapport sur « le développement du télétravail dans la société numérique de demain ».

Un dialogue social timide

Le flou des pratiques, les craintes de l’officialisation d’un sous-statut, la culture du travail en présentiel et du management sont-ils des freins au développement d’un mode de travail prédit pourtant à un bel avenir et qui peine à trouver son essor ?

Parce que le télétravail recouvre des dispositifs polymorphes à évolution rapide : à domicile, alterné, nomade, en télécentre ou encore en réseau (définition du Forum des Droits d’Internet), les partenaires sociaux ont souhaité fixer les premières bases conventionnelles pour les salariés.

Flexibilité, productivité, compétitivité conjuguées à la sécurité juridique des pratiques ont motivé en 2002 la conclusion d’un accord cadre européen transposé en France par l’accord national interprofessionnel en 2005.
Actant que le télétravailleur est un salarié « comme un autre », le dialogue social s’est attaché à déterminer la sécurisation des pratiques. Double volontariat et réversibilité structurent les principes de consensus.

Le poids de la culture du travail

Or, ces premières avancées n’ont pas suffit à impulser une appropriation massive par les entreprises. Très peu de branches d’activité ont signé d’accord, le télétravail trouvant sa place essentiellement dans les grandes entreprises ou dans le secteur d’activité des TIC.

Pour expliquer ce manque d’engouement, les travaux sociologiques de Lucie Davoine et Dominique Meda sur la place et le sens du travail en Europe, soulignent que si l’éthique du devoir est commun aux pays de l’union, « la volonté de s’épanouir au travail marque une singularité française ». Cependant, cette singularité est accompagnée d’un paradoxe, de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale, qui pourrait être résolu par un développement du télétravail.

En pratique, l’expérimentation portant sur le télétravail dans les filiales française et néerlandaise d’une même entreprise révèle le rôle essentiel de l’encadrement et des schémas culturels et organisationnels appliqués.

Vers un management moderne

Il s’avère alors que l’essor souhaité tient de la dissipation des craintes mutuelles des employeurs et des salariés, les observations des processus relevant « une corrélation positive entre télétravail et pratiques modernes de gestion des ressources humaines ».

Pour le salarié, ce mode d’organisation révèle la peur de l’exclusion de la collectivité de travail, l’éloignement des lieux de décisions et de promotion, le risque d’une trop grande porosité entre la sphère privée et professionnelle. Du côté de l’employeur, c’est la crainte des abus, d’« un relâchement du contrôle et de la supervision des tâches ». Le télétravail accroît l’autonomie des salariés à l’égard de leurs supérieurs et remet en cause les modes classiques du management « en présentiel ».

Pourtant, dans la pratique, l’importance du lieu collectif de travail tend à s’étioler, au profit du développement des TIC, lesquelles permettent un accès commun aux mêmes sources d’information au même moment, la communication interpersonnelle se réduisant souvent à l’échange de mail, d’un bureau à l’autre !

Les clés du succès tiennent particulièrement au développement du management par objectifs et à « la maîtrise des indicateurs de performances individuelles et collectifs adaptés ». Cet aspect dépend notamment des formations spécifiques des télétravailleurs ou des managers qui souhaitent s’orienter vers une telle organisation.

Surtout, l’image du télétravail n’est pas à la hauteur des effets bénéfiques individuels (performances des entreprises, satisfaction des salariés) et collectifs (Réduction des GES, transport, pression immobilière…) supposés.

Dans l’entreprise, les études menées démontrent que le télétravail aurait permis une augmentation de la productivité pour 57 % des salariés. Pour un homme cadre ou ingénieur, profil type du télétravailleur, le « pic » de production serait atteint pour un « télétravail pratiqué entre un et deux jours par semaine ».

Des politiques publiques en faveur des territoires

Au-delà des intérêts individuels entreprise-salarié, le développement du télétravail dépend également du soutien exprimé par la puissance publique. Pour la collectivité, le télétravail se trouve à « la croisée de nombreux domaines de politique publique ».

Le télétravail permettrait de créer une dynamique en faveur des territoires. A ce titre, le parlementaire Pierre Morel-A-Lhuissier relevait dans un rapport rédigé en 2006 que, « cette forme d’organisation est également au confluent des demandes sociales sur le rapport à l’espace. ». Cela est vrai pour les zones périurbaines pour lesquelles il est difficile de « s’abstraire des migrations quotidiennes imposées par les grands centres urbains ». Il serait aussi un outil de revitalisation des territoires ruraux en permettant « de réaliser ce rêve de la ville à la campagne, qui structure des démarches multiples de réimplantation dans des zones autrefois délaissées, faute de travail sur place ».

C’est pourquoi, les politiques publiques apparaissent nécessaires pour impulser les bonnes pratiques par une communication audible et visible et par un appui législatif confirmant et précisant les stipulations des accords interprofessionnels.
Outre les incitations financières, les pouvoirs publics doivent pouvoir accompagner de manière cohérente l’aménagement des territoires par le développement des télécentres.

Après la flexibilité du temps de travail, le e-travail est un deuxième axe qui modifie en profondeur l’idée « d’unité de temps et de lieu » en matière d’organisation du travail.

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